L’ARCHITECTE NIKOLAOS ZAHOS

Né le 18 mai 1875 à Volos, en Grèce, Zahos est originaire d’un milieu aisé et bourgeois.

Il est lié par ses relations familiales à plusieurs personnalités de l’époque : cousin d’Aristotelis Zahos, un des architectes grecs les plus connus de l’époque, il est aussi le frère de Constantin Zahos, avocat, éditeur du journal socialiste « L’ouvrier » et fondateur du Centre des Ouvriers de Volos ; d’Andromaque Zahos dont le fils, Yannis Logis, a été un des premiers scénographes du théâtre classique en Grèce ; et de Polycarpos, prêtre et écrivain. La femme de Constantin Zahos, Elli, est la sœur de Yannis Papaïoannou, un des compositeurs grecs les plus célèbres.

Nikolaos Zahos est également lié d’amitié avec le richissime homme d’affaires et marchant d’armes d’origine grecque Basil Zaharoff, une des personnalités les plus mystérieuses et controversées de l’entre-deux-guerres, qui fut d’ailleurs le parrain de son fils, Yannis. Basil Zaharoff a d’ailleurs été un des principaux maîtres d’ouvrage de l’architecte.Nikolaos Zahos baigne donc dans un milieu aisé évoluant dans un espace européen encore fluide, pendant cette période riche en événements (tournant du siècle, 1ère guerre mondiale, entre-deux-guerres) et marquée par l’émergence de nouvelles classes sociales.
 

Arrivé à Paris à l’âge de 16 ans pour ses études, il suit des cours au Lycée Rollin. A l’issue de ses études secondaires il s’inscrit, dans un premier temps, à l’Ecole centrale. Six mois plus tard il abandonne toutefois les études d’Ingénieur Civil pour s’inscrire à l’Ecole Spéciale d’Architecture. Les raisons sont à la fois liées au contenu des études mais aussi à son plan de carrière : N. Zahos souhaite entreprendre une carrière libérale, plus facilement envisageable pour les architectes que pour les ingénieurs qui sont à ce moment souvent nommés par l’Etat.

Il est à noter qu’au moment de ses études, Zahos envisage de rentrer pour vivre et travailler en Grèce. Ceci ne sera finalement pas le cas. Même si ses principaux commanditaires ont un rapport soit avec l’Etat grec (il a ainsi travaillé pour l’Ambassade ou le Consulat grecs –dont il fait les plans en 1911-1912) soit avec des riches particuliers d’origine grecque installés en France, sa carrière s’est en effet essentiellement déroulée en France.

Au cours des guerres balkaniques de 1912 et 13 et de la Première Guerre Mondiale, et à l’âge de 37 ans, il rentre en Grèce pour servir les armes sous les ordres de Elefterios Venizelos. C’est en 1912 qu’il se marie avec Kalliopi (Pitsa) Geogiakaki, fille de prêtre, originaire de la Nauplie. En 1919 il rentre à Paris, où il fera l’essentiel de sa carrière. Son fils unique Yannis est né en 1921.

Nikolaos Zahos a été honoré de plusieurs prix et titres pendant sa carrière. En 1927, suite à la construction des bâtiments à Toulon pour les officiers de la Marine il reçoit la Légion d’honneur « pour services rendus à la Marine Française ». En 1932, suite à la construction de la Fondation Hellénique à la Cité Universitaire, il est décoré de la Croix d’or de la Légion d’Honneur « pour services rendus à l’Université de Paris ».
 

Pendant cette période de l’entre-deux-guerres il est l’interlocuteur officiel de l’Etat grec en France pour les questions qui concernent l’architecture. Il est ainsi été chargé, à partir de 1919, des travaux de restauration de l’Ambassade et du Consulat grecs à Paris. L’obtention d’un de ses chantiers principaux, celui de la Fondation Hellénique est d’ailleurs probablement due à son statut d’architecte « officiel » de la Grèce en France.

Il fut également le «représentant technique» du Gouvernement Grec à l’exposition des Arts Décoratifs de 1925 ainsi qu’à l’exposition internationale «Art et Technique » à Paris de 1937, avec, dans les deux cas, participation à l’élaboration des pavillons de la Grèce. A l’exposition de 1937, il fait d’ailleurs partie des experts de l’Union Internationale des Architectes qui examinent et approuvent les différents bâtiments.

Nikolaos Zahos est ainsi un architecte formé en France, à la fois au sens strict, celui des études d’architecture, mais aussi au sens de la formation de la personnalité, du goût esthétique, de la sensibilité artistique. Sa carrière et ses réalisations sont dans ce sens différentes de celles de son cousin et contemporain, Aristotelis Zahos qui a, lui, réalisé ses études en Allemagne et effectué sa carrière en Grèce.
 

L’OEUVRE DE NIKOLAOS ZAHOS

Nikolaos Zahos a conçu plusieurs projets importants qui n’ont pas toujours abouti (tels que le projet de la Foire Internationale de Thessalonique, de l’orphelinat Amalieion à Athènes, l’orphelinat Skagiopoulou à Patras, de l’hôpital Grec à Paris). Parmi ses œuvres construites, plusieurs ont été démolies par la suite (tels que le Foyer des Equipages de la Flotte et centre Sportif de la Marine et le Stade Jauréguiberry à Toulon, détruits par les bombardements de la 2e guerre mondiale).

La Fondation Hellénique de la Cité Universitaire est le seul bâtiment qui nous soit parvenu dans un état très proche de ce qu’il était au moment de sa construction

Si dans l’ensemble de ses œuvres, Zahos privilégie le langage classique (le porche à colonnes on le trouve, à des variantes doriques, ioniques ou corinthiennes dans la plupart de ses bâtiments : Fondation Hellénique, Amalieion, Balincourt, pavillons de la Foire de Thessalonique, etc.), c’est le bâtiment de la Cité Universitaire qui pousse plus loin l’exploitation « thématique » de la Grèce.
Ceci est visible à la fois au niveau de l’architecture, mais aussi au niveau de la décoration intérieure et du mobilier. Candélabres, meubles, détails d’architecture créent dans le salon, la bibliothèque ou les bureaux d’administration une ambiance « grecque » qui n’est pas sans rappeler des architectures telles que la Villa Kerylos dans le Sud de la France. Ce bâtiment, construit certes à une date différente de celle de la Fondation Hellénique, a comme point commun avec celle-ci la création non pas seulement d’une architecture classique ou néo-classique, mais la création d’un lieu qui s’inspire de l’antiquité grecque et propose un environnement total dont le thème est la Grèce antique. On pourrait dire dans ce sens que la Fondation Hellénique est une interprétation du « thème grec » au sein de ce grand parc à « thème international» qu’est la Cité Universitaire.
 

Cette approche donne des résultats très différents de ceux obtenus par les architectes qui continuaient à pratiquer, à cette époque très tardive, l’architecture néo-classique. Zahos crée finalement une architecture qui malgré ses références classiques ne tombe jamais dans piège d’une interprétation faussée des références liées l’antiquité, qui a abouti dans certains cas à des architectures hitlériennes ou fascistes.

La question des références grecques de son œuvre doit dans tous le cas être abordée différemment que s’il en avait été inspiré dans le cadre de constructions et projets destinés à être construits dans l’espace helladique. Nikolaos Zahos a au contraire construit pour la plupart des bâtiments qui étaient censées représenter la Grèce à l’étranger et qui jouaient, dans ce sens, davantage sur le registre de l’architecture signifiante : celui d’une architecture d’une Grèce loin de la Grèce, une architecture utopique pour des communautés idéales.
 

L’interprétation libre de la thématique grecque dans le cas de la Fondation Hellénique présente plusieurs similitudes avec l’approche adoptée par d’autres maisons de la Cité Universitaire (telles que la maison de l’Asie du Sud-Est) c’est-à-dire l’exploitation d’un thème national ou régional. Mais on ne peut pas ne pas être frappé par le grand écart qui sépare la Fondation Hellénique de la Fondation Suisse, manifeste, elle, du mouvement moderne qui au début des années 1930 avait déjà fait sa percée.
 

Il convient en effet de souligner que Zahos ne semble avoir jamais été tenté par la modernité architecturale. S’il adhère à l’utilisation du béton armé et des matériaux modernes disponibles à son époque, il ne les emploie jamais de manière apparente et ne les exploite pas pour réinterpréter grâce à eux des formes architecturales traditionnelles, à la manière par exemple d’un Viollet-le-Duc. Contrairement donc à son cousin Aristotelis Zahos qui lui exploite le béton pour exprimer la plasticité des formes rondes néo-byzantines, Nikolaos s’obstine à dessiner des colonnes et des chapiteaux taillés en pierre …

C’est peut-être le Stade de Jauréguiberry à Toulon qui témoigne le plus d’une architecture qui s’inscrit réellement, à la fois dans ses matériaux et dans ses expressions formelles, à la modernité des première décennies du 20 siècle. Dans cette modeste architecture (en termes de taille et de programme), Zahos transcende son formalisme classique habituel pour explorer avec beaucoup de bonheur, des formes rendues possibles par le béton armé.